Congés payés : du nouveau dans la saga

DROIT SOCIAL

Agathe HALKOVICH

2/14/20243 min read

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La Cour de cassation, dans 5 arrêts rendus le 13 septembre 2023, a opéré un revirement de jurisprudence concernant l'incidence des arrêts de travail pour maladie ou pour accident du travail ou congé parental sur l'acquisition ou la prise des droits à congé. Elle a également précisé les règles permettant de fixer le point de départ du délai de prescription applicable à une demande d'indemnité compensatrice de congés.

L'objectif de la Cour de cassation étant de « garantir une meilleure effectivité des droits des salariés à leur congé payé » .

Ainsi, la Cour de cassation a décidé de se conformer à la législation européenne et écarté partiellement les dispositions des articles L.3141-3 et L.3141-5 du code du travail : elle juge désormais que le salarié malade acquiert des congés payés pendant les périodes de suspension du contrat de travail pour maladie non professionnelle et pour accident du travail au-delà d'un an.

Dans deux arrêts du 27 septembre et du 12 octobre 2023, la cour d'appel de Paris fait l'une des premières applications de la solution dégagée le 13 septembre dernier par la Cour de cassation permettant aux salariés qui ont été en arrêt maladie de pouvoir bénéficier de congés payés au titre de ces périodes de suspension du contrat de travail.

Il s'agissait là d'un sacré revirement de jurisprudence !

Néanmoins, alors que la Cour de justice européenne poursuivait ses précisions en termes de délai de report du congé, et de nombre de reports maxima, dans un arrêt du 15 novembre 2023, la Cour de cassation a transmis deux questions prioritaires de constitutionnalité au Conseil constitutionnel pour qu'il se prononce sur la conformité à la Constitution des dispositions du code du travail relatives à l'acquisition de droits à congés payés en cas de maladie du salarié.

PREMIERE QUESTION

Les règles énoncées aux articles L. 3141-3 et L. 3141-5 du Code du travail, qui précisent qu'à défaut de travail effectif, privent le salarié du droit à l'acquisition de congés payés, portent-elles atteinte au droit à la santé et au repos garanti par l’alinéa 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ?

SECONDE QUESTION

L’article L. 3141-5, 5° du code du travail porte-il atteinte au principe d’égalité garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 dans la mesure où il fait une distinction, en matière d’acquisition des droits à congés payés, entre les salariés selon que leur contrat de travail est suspendu pour une maladie professionnelle ou non professionnelle ?

La décision du Conseil constitutionnel était donc attendue, notamment parce que trois réponses étaient envisageables :

- la conformité des dispositions avec ou sans réserve d’interprétation ;

- la non-conformité et l’abrogation des dispositions avec l’obligation pour le législateur d’intervenir dans le respect du droit de l’Union européenne et des droits et libertés garantis par la Constitution ;

- la non-conformité et l’abrogation à effets différés : le Conseil fixe un délai au législateur pour intervenir et se mettre en conformité avec le droit et la jurisprudence européenne.

Rebondissement !

Alors que l'on supposait que la décision rendue irait dans le sens d'une non-conformité au bloc de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel juge les articles conformes au bloc de constitutionnalité : selon les sages, les dispositions des articles L.3141-3 et L.3141-5 du code du travail ne portent pas atteinte au principe d'égalité et ne méconnaissent pas le droit à la santé et au repos.

Pour sécuriser les employeurs et les salariés, le législateur doit intervenir.

Lors de l'audition du 31 janvier 2024 qui s’est tenu devant le Conseil constitutionnel, le représentant du Premier ministre a indiqué que pour mettre en conformité le droit français par rapport à la directive de 2003, le gouvernement envisageait de s’orienter vers la même solution que celle applicable dans le secteur public, soit le maintien de 4 semaines de congés payés seulement en période de suspension du contrat de travail.

Affaire à suivre...