Autonomie de l’autorité environnementale et capacités techniques et financières : les précisions du Conseil d’état
DROIT DE L'ENVIRONNEMENT
Lionel LE NOAY
2/21/20243 min read
Le Conseil d'État a rendu un arrêt le 5 février 2024 (CE, Chambres réunies, 5 février 2024, 463619) particulièrement intéressant en matière environnementale et plus précisément s’agissant de l’autonomie de l’autorité environnementale consultée dans lors d’une demande d’autorisation pour l’implantation de parcs éoliens terrestres.
Dans cette affaire, les requérants contestaient un arrêté du préfet du Doubs, accordant à un producteur d’électricité une autorisation unique pour l'exploitation d'un parc éolien comprenant six aérogénérateurs et deux postes de livraison. L'autorisation incluait également le défrichement de 0,75 hectare de parcelles boisées. La Cour administrative d'appel de Nancy, par un arrêt avant-dire droit du 8 mars 2022, avait modifié l'arrêté préfectoral en ajustant les garanties financières et en décidant un sursis à statuer jusqu'à la transmission d'un nouvel arrêté après la régularisation de l'avis de l'autorité environnementale et la consultation du public par le biais d'une nouvelle enquête publique.
Cet arrêt, portant sur l'évaluation environnementale d'un projet éolien terrestre, met ainsi en lumière deux points majeurs : la légitimité de la Mission Régionale d'Autorité environnementale (MRAe) et l'importance de la justification des capacités techniques et financières des pétitionnaires.
Une légitimité renforcée de la Mission Régionale d'Autorité Environnementale (MRAe) en qualité d’autorité environnementale
L'arrêt du Conseil d'État du 5 février 2024 s'inscrit dans la lignée de l'article 6 de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011, et de sa jurisprudence FNE (CE, 6 déc. 2017, n° 400559), qui souligne l'impératif d'une séparation fonctionnelle au sein des autorités publiques compétentes pour autoriser un projet et chargées de la consultation en matière environnementale. Selon la directive européenne, cette séparation vise à garantir à l'entité administrative une autonomie réelle, notamment par la dotation de moyens administratifs et humains propres, afin qu'elle puisse émettre un avis objectif sur le projet.
Dans le contexte où le préfet de région est l'autorité compétente pour autoriser un projet éolien, la mission régionale d'autorité environnementale (MRAe) est reconnue comme disposant d'une autonomie réelle, conforme aux exigences de la directive.
L'arrêt du Conseil d’état précise que la MRAe peut rendre un avis de manière autonome, même si elle bénéficie de l'appui technique d'agents du service régional chargé de l'environnement, placés sous l'autorité fonctionnelle de son président. Ainsi, cette coopération n'est pas considérée comme altérant l'autonomie de la MRAe, affirmant ainsi la légitimité de cette mission dans le processus d'évaluation environnementale.
Un éclaircissement quant à la justification des capacités techniques et financières du pétitionnaire
Le deuxième volet de l'arrêt du Conseil d'État porte sur le 5° de l'article R. 512-3 du code de l'environnement (applicable à la procédure d'autorisation en litige), qui requiert du pétitionnaire la fourniture d'indications précises et étayées sur ses capacités techniques et financières, en vue de permettre une information complète du public. L'arrêt du Conseil d'État souligne que cette exigence renforce la transparence dans le processus décisionnel et vise à garantir une prise de décision éclairée.
Les insuffisances dans la présentation des capacités techniques et financières du pétitionnaire peuvent potentiellement affecter la validité de l'autorisation délivrée.
Cependant, l'arrêt du Conseil d'État précise que de telles lacunes ne sont irrégulières que si elles ont pu influencer la décision finale ou entraver une information complète du public. Cette nuance souligne l'importance de la complétude et de la précision des informations fournies par le pétitionnaire, sans pour autant créer des obstacles excessifs à l'obtention de l'autorisation.
En conclusion, cet arrêt du Conseil d'État du 5 février 2024 consolide la légitimité de la MRAe en tant qu'autorité environnementale indépendante, respectant les principes énoncés dans la directive européenne de 2011. De plus, il rappelle l'importance de la transparence dans le processus décisionnel de délivrance de l’autorisation environnementale en exigeant du pétitionnaire des informations précises sur ses capacités techniques et financières, contribuant ainsi à une prise de décision équilibrée et à une meilleure protection de l'environnement.
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